La France et la symphonie: une relation qui n’était guère facile au XIXe siècle! A Paris, les compositeurs ont eu du mal à gérer l'héritage de Beethoven, préférant se concentrer sur les œuvres à programme, à l'instar de Berlioz avec sa Symphonie fantastique. L'un des rares musiciens à avoir contré cette tendance est Camille Saint-Saëns. Après trois symphonies de jeunesse, il a composé en 1885 sa Symphonie en ut mineur, sur commande de la célèbre Royal Philharmonic Society londonienne. L'œuvre intègre de manière fascinante des éléments à la fois traditionnels et innovateurs. L’habituelle suite de quatre mouvements est certes conservée, mais son traitement est très personnel. Saint-Saëns a réuni les mouvements par paires, Allegro/Adagio et Scherzo/Finale, pour en faire des unités plus grandes. Cet agencement est dicté par le thème principal de l'Allegro, qui se répand dans tous les autres mouvements. Dérivé du Dies Irae grégorien, ce motif perd son caractère inquiétant à mesure que la symphonie progresse. Le premier essai, qui mène jusqu'à la fin de l'Adagio, n’est pas encore tout à fait réussi. Ce n'est qu'à la deuxième tentative, sur le chemin menant du Scherzo au Finale, que ce thème change de caractère et devient un choral festif. L’emploi d’un orgue – une première dans un orchestre symphonique – soutient ce processus au niveau de la couleur sonore. Saint-Saëns s’est aussi librement inspiré de Franz Liszt pour ce concept esthétique inhabituel: la symphonie est dédiée à la mémoire du modèle hongrois, décédé peu après la création de cette Symphonie «avec orgue» à Londres.