Le cinquième et dernier concerto pour piano et orchestre de Beethoven a été commencé en 1808, dans le sillage des Cinquième et Sixième Symphonies. La composition a été achevée en 1809, après une interruption due aux bombardements de Vienne par les troupes napoléoniennes. Quelque quatorze ans séparent donc cette œuvre des premières esquisses du Concerto en ut majeur. Durant ce temps, le compositeur est passé d’un statut de jeune virtuose brillant à celui d’un homme atteint par la surdité, mais qui poursuivait non moins son combat obstiné en faveur du progrès artistique et sa quête d’une fusion parfaite entre le soliste et l’orchestre. Dédié à l’archiduc Rodolphe, le concerto op. 73 peut donc être perçu comme une symphonie avec piano plutôt qu’un concerto. Lors de la création de l’ouvrage en 1811 au Gewandhaus de Leipzig, la surdité de Beethoven était déjà trop avancée pour lui permettre de tenir la partie de soliste. C’est donc Friedrich Schneider, alors organiste à l’Université de Leipzig, qui assura la création de l’ouvrage, avant que celui-ci ne soit repris par Carl Czerny, un ancien élève de Beethoven, lors de la création viennoise en février 1812. Contrairement à ses habitudes, le compositeur a pris soin d’écrire lui-même les cadences. Le titre du concerto n’est par contre pas de sa plume, le compositeur ayant simplement désigné l’œuvre comme un « Grand concerto ». Les critiques de l’époque n’ont pas su comment aborder cette partition remarquable. « Original Plein de fantaisie Faisant de l’effet » se sont-ils contentés d’écrire, à défaut de commentaires plus pertinents. Que pouvaient-ils en effet penser d’un concerto qui débute par une longue cadence d’apparence improvisée et où le soliste et l’orchestre s’affrontent au fil d’aussi formidables dialogues? Au terme d’un mouvement lent presque méditatif, le rondo final explose avec un entrain irrésistible pour s’adonner à une sorte de danse populaire où le soliste fait montre d’un brio étourdissant.